Du fil à ret... ordre

mercredi 7 septembre 2011
par  administrateur
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On le sait : en astrologie, comme partout ailleurs, il y a à boire et à manger. Ce que je n’imaginais cependant pas c’est que l’on puisse trouver une école qui « se fonde sur les lois de la Nature connues et inconnues ».

J’avoue ma perplexité : comment peut-on se fonder sur des lois inconnues ? C’est pourtant ce qui est écrit en toutes lettres par une association dont les tenants affirment que « l’influence des rythmes planétaires et zodiacaux (...) est relative, conditionnelle et discontinue. » Autant dire subjective, conjoncturelle et intermittente...

La même association nous apprend qu’elle regroupe des « astrologiens » (à ne pas confondre avec nos confrères de la race canine) et des « astrologisants » (probablement des reliques d’astromomies). Sans doute sponsorisée par une marque de thé, elle prétend disposer de la science infuse : tous les autres astrologues tiennent un discours « mythologique, ésotérico-imaginaire ». Elle seule connaît la vérité : « les astres agissent (ndla : on connaît leurs innombrables actions et, davantage encore, leurs exactions) sur lui (l’homme) en émettant des signaux, probablement de nature gravifique. » Malheureusement, mes antennes ne sont pas encore suffisamment développées pour recevoir lesdits signaux : sans doute une prérogative des enfants du Nouvel Âge du berceau des âneries, Saturne oblige…

En revanche, la même association m’a appris quelque chose de fondamental, que je m’empresse de divulguer : j’ai découvert que l’astrologie « tel un Sphynx (sic) renaissant de ses cendres (re-sic)... resurgit au XXe siècle ».

Cela m’a enfin permis de tout comprendre. Voilà donc toute l’histoire, en exclusivité pour nos lecteurs :

Le Phénix (sans queue ni tête, à moins qu’elles ne fussent de lion et humaine...) posait des questions compliquées au Sphinx qui – ne sachant où donner de la tête – préféra mourir de honte. Renaissant de ses cendres, il fut médusé par une Gorgone au corps mi-humain, mi-chevalin. C’est alors qu’il commit l’irréparable : pendant un bref instant d’égarement, il confia le Graal – la fameuse soucoupe collante – au discobole qui, ne parvenant pas à s’en débarrasser, inventa les Jeux Alambiques. Lors d’une épreuve de force, Jules César parvint à décoller la soucoupe et, dans un geste qui a fait date, l’envoya dans l’espace.

Le même jour, Vespasien, un autre concurrent, trouva une méthode tout aussi radicale pour se réincarner.

Le jury s’emmêla quelque peu les pinceaux et décréta que la technique d’éjection de César s’appellerait « vespasienne » et celle de renaissance de Vespasien « césarienne ». Tout cela provoqua un malaise à ce pauvre Œdipe qui, n’étant pas bien dans son assiette et ayant perdu son latin (il était mésopotamien), s’adressa à Chiron, le célèbre centaure ayant des serpents en guise de cheveux. Malheureusement, Chiron, en état d’ébriété (malgré ses dénégations – « Chiron ? pas moi ! » –, il se saoulait régulièrement pour ne plus entendre les sonnettes qui résonnaient sur son crâne) lui fit une tête au carré : il ajouta un peu de sa chevelure à la soucoupe collante, qui se mua en comète, et, l’expédia dans le fameux labyrinthe du Griffon, cette peau de vache à tête humaine. Là, Œdipe croisa les sirènes, ces êtres connus pour avoir deux faces, ce qui démultipliait le problème. En effet, elles ne désiraient qu’une seule chose : être épousées par un homme qui – tel notre héros – serait invincible. L’union était cependant rendue impossible par le vœu de chasteté que celui-ci avait fait auprès du Minotaure, le fameux dieu au corps de lion et à la tête d’aigle. L’intervention de la Chimère – la maman du perfide Chiron – permit d’arranger les choses : les six reines furent coupées en deux, produisant douze êtres séparés, et envoyées par téléportation dans l’espace grâce à l’aide inespérée du Dr. Spock, inventeur d’une méthode de conditionnement des enfants récalcitrants. Chacune se vit attribuer une maison où, à tour de rôle, elles essayent de capturer le Graal.

Cette démultiplication, ajoutée à son désarroi initial, provoqua chez le pauvre Œdipe un complexe qui se mua très vite en une forme particulière de psychose. Par chance, quelques siècles auparavant, le docteur Cari Gustav Freud avait identifié ce trouble en étudiant le système reproducteur de l’Ouroboros : il s’agissait tout simplement de la métempsycose, une démultiplication à l’infini de l’âme. Dans un premier temps, la métempsycose d’Œdipe lui joua de vilains tours : démultiplié, il se retrouvait à chaque fois dans des endroits différents du labyrinthe, ses nombreuses personnalités ne parvenant pas à s’accorder sur la direction à prendre pour trouver la sortie. C’est alors qu’un fait miraculeux survint : une de ses démultiplications se produisit à l’extérieur de l’enceinte, ce qui était somme toute prévisible sur base de la fameuse méthode de renaissance précitée : la seule issue de l’enceinte est la césarienne.

Obligé d’abandonner toutes ses autres incarnations à l’intérieur du labyrinthe, Œdipe en perdit la Pythie. Voyant son poids diminuer, il s’adressa vainement aux trois Grasses, puis à l’Hydre qui lui donna à peine quelques gouttes de son nectar, l’hydromel. Il s’essaya alors à la lyre (empruntée au dieu Dé, qui ne connaît pas le hasard et divulgue les connaissances de son rival Anêpa) pour séduire un satyre qui, insensible, la lui vola et se mua en Satyrelire, le dieu des pingres. Seule la vache Kiri lui offrit tout son lait, devenant ainsi sa muse, d’où le dicton « qui rit s’amuse ».

Cette dernière rencontre le décida à devenir végétarien. Les animaux n’ayant plus aucun rôle à jouer sur terre, les dieux les projetèrent au ciel, créant par là le zoo-diaque, où ils sont confinés dans une zone ne dépassant pas les 30 de gré ou de force.

Constatant qu’ils avaient besoin de davantage d’espace pour s’épanouir, la Parque zoologique

Bardeau – têtue comme un âne – se cabra, mais ses protestations ne permirent pas d’élargir le champ. Elle obtint toutefois la libération de trois animaux : le chien, qui a lâché la proie pour l’ombre, le chat, qui s’est métamorphosé en femme, et la grenouille, qui s’est toujours voulue aussi grosse que le bœuf. À leur place – et dans le désordre – on plaça les Gémeaux, qui se demandent toujours ce qu’ils sont venus faire là et s’en inquiètent auprès des autres signes, et la Vierge, qui n’a plus aucune place sur terre. Le dernier emplacement, dont personne ne voulait, fut attribué à la Balance. À cette époque en effet, les canons de beauté n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui et les rondeurs féminines étaient appréciées, d’où l’inutilité de disposer d’un tel outil sur terre. On rappela alors César qui, du même geste qu’il usa pour le Graal, expédia la Balance aux cieux.

C’est la raison pour laquelle, depuis lors, les femmes amoureuses boivent à la même coupe que leur Jules. Peu importe qu’il soit leur mari ou leur amant : de toute façon, tout le monde s’en balance. ♦

Ester ENTRECIEL

(Article paru dans Quintile n°43, 21/03/1999)

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