Urbain Le Verrier & Percival Lowell
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Nous devons la découverte des deux dernières planètes du système solaire à deux natifs des Poissons, le signe qui ouvre les portes de l’infini. Mais avec lui, les ambiguïtés, les situations floues et les confusions ne sont jamais loin. Deux astronomes, nos « frères ennemis », nous offrent l’occasion de nous en rendre compte.
Depuis quelques années, les astronomes sont en émoi car, grâce à des moyens technologiques de plus en plus poussés, la possibilité nous est désormais octroyée de découvrir les confins les plus reculés de notre système solaire et, dès qu’un objet d’une certaine envergure est détecté, les médias font leurs choux gras de l’existence d’une soi-disant nouvelle planète. Les cas les plus récents sont ceux de Quaoar, photographié le 4 juin 2002 à 5h42 TU, puis identifié le 5 juin 2002 à 17h48 TU(1) depuis l’observatoire de Palomar, CA (30N22-116W50), et de Sedna, photographié le 14 novembre 2003 entre 6h32 et 9h38 TU, également identifié depuis l’observatoire de Palomar(2).
Naturellement, bon nombre d’astrologues leur ont emboîté le pas et, rapidement, on a vu apparaître les éphémérides de ces deux corps célestes tellement éloignés que, sur le laps de temps que couvre une existence humaine, ils ne bougent pratiquement pas…
En réalité, nous avons affaire là à des planétoïdes sans grande importance pour l’astrologie qui, si elle devait s’intéresser à tous les cailloux évoluant dans le système solaire, ne serait plus une science de l’universel, mais plutôt une technique du particularisme…
Malgré certaines théories astrologiques qui n’ont jamais été accréditées par les faits, il semble bel et bien que les planètes de notre système solaire s’arrêtent avec Pluton. Et encore… Même Pluton a failli être détrônée de son statut, notamment en raison de sa taille, plus petite que celle de notre satellite, la Lune. Mais quand on sait que Quaoar ne dépasserait pas les 1280 km de diamètre et que Sedna se situerait entre 1500 et 1800 km de diamètre, tandis que Pluton en compte 2300, on comprend que, à l’échelle cosmique, ces objets ne sont que des grains de sable… En fait, il semble que Pluton soit le digne représentant d’une cohorte de planétoïdes – dont Quaoar et Sedna – qui se nichent dans la ceinture de Kuiper, au-delà de l’orbite de Neptune. Il n’empêche : à ce jour, il dépasse largement par sa taille tous les autres.
En astronomie comme en astrologie – c’est humain – il faut toujours que certains essayent de se démarquer, sans doute parce qu’ils sont en mal de notoriété ou alors parce qu’ils sont trop attachés à des modes de pensée rétrogrades. C’est ainsi que, en l’an 2000, les responsables du planétarium du Muséum d’histoire naturelle de New York ont présenté un système solaire ne comptant que huit planètes, Pluton n’ayant pas sa place dans ce cortège à leurs yeux… En astrologie, pas plus tard qu’en 2004 (c’était hier), un manuel d’astrologie affirmait que les astrologues s’intéressant aux trois planètes transsaturniennes ne sont ni plus ni moins que des gamins affairés derrière le dernier joujou à la mode. Prétextant que ces planètes sont invisibles, elles en seraient inexistantes ! Or, ontologiquement, l’invisible n’est pas l’inexistant ; en revanche, le dérisoire est insignifiant.
N’importe quel astrologue un tant soit peu expérimenté connaît l’utilité des trois planètes transsaturniennes que sont Uranus, Neptune et Pluton. Ce que l’on connaît sans doute un peu moins, c’est l’histoire qui mena à leur découverte. Or, en ce domaine, s’il importe d’approfondir un tant soit peu la mythologie pour comprendre la symbolique planétaire, il est tout aussi important de situer l’époque de ces découvertes, de même que les conditions dans lesquelles celles-ci se sont faites. Car connaître le passé n’est pas répéter béatement ce qui s’y est produit : c’est s’en servir pour aller toujours un peu plus loin.
Voyons dès lors ce qu’il en est de l’histoire de la découverte des deux dernières planètes du système solaire, une histoire riche en surprises et en rebondissements, conformément aux valeurs du signe des Poissons auquel appartenaient Urbain Le Verrier et Percival Lowell.
En parfaite concordance par rapport à sa symbolique, l’histoire de Neptune est assez emmêlée puisque, bien avant qu’en 1846 Urbain Le Verrier ne parvienne à en calculer la position, au moins deux astronomes (Joseph de Lalande le 10 mai 1795, Lamont et même John Herschel, fils de William Herschel, le découvreur d’Uranus) avaient évoqué la possibilité de l’existence d’une autre planète, se fondant sur les perturbations du mouvement d’Uranus. Mais, ne parvenant pas à la localiser – elle se dérobait sans doute pour faire durer le plaisir ! –, ils ne seront pas retenus par les annales astronomiques. Sans parler de Galilée qui, pendant l’hiver 1612-1613, localisa Neptune grâce à sa lunette, mais qui la prit pour une étoile fixe…
En revanche, après de longs et studieux calculs, Urbain Le Verrier détermina la position de Neptune et il envoya les résultats de ses cogitations à Johann Galle, de l’observatoire de Berlin, qui visualisa le nouvel astre le 23 septembre 1846. En astrologie, Neptune est l’astre de l’imperceptible et il n’est dès lors pas étonnant de découvrir que Le Verrier n’a en fait jamais vu Neptune, si ce n’est « au bout de sa plume », comme l’a si élégamment écrit son confrère François Arago.
On remarquera donc que ceux qui ont observé Neptune ne l’ont pas identifiée et que celui qui a permis sa découverte ne l’a jamais vue…
Mais l’histoire de Neptune ne s’arrête pas là. Voici les faits tels que les expose Jean-Pierre Verdet dans un article paru dans un numéro spécial de la revue Ciel & Espace (« Herschel, Le Verrier : Les ruses de la découverte. » Ciel et Espace. Numéro spécial : L’histoire cachée de l’astronomie. Paris. Juin, Juillet, Août 1993. 54-58) :
« Il s’en est pourtant fallu de peu que Neptune ne soit découverte par un autre. Un jeune astronome anglais, John Couch Adams, avait terminé des calculs tout aussi bons que ceux de Le Verrier avant même que celui-ci n’ait commencé les siens… Avec à peu près les mêmes hypothèses de départ que Le Verrier, il est arrivé en septembre 1845 à un résultat un peu moins bon mais qui lui aurait permis de découvrir la planète, s’il avait eu la chance de s’adresser à un observateur comme Galle. Malheureusement, Adams envoie son travail au directeur de l’observatoire de Cambridge, Challis, qui ne réagit pas… »
Selon d’autres sources, c’est au directeur de l’observatoire de Greenwich, George Airy, que Adams envoya ses résultats : encore une démonstration du flou neptunien ! De toute façon, même dans ce cas, le résultat fut le même et Adams passa à côté de la renommée internationale…
Au-delà de cette controverse, qui n’en fut pas vraiment une puisque les deux astronomes se lièrent d’amitié, il y a un autre aspect remarquable car Adams et Le Verrier eurent beaucoup de chance : tous deux s’étaient trompés en surestimant la distance de Neptune par rapport au Soleil et en sous-estimant sa masse, mais l’erreur de distance compensa l’erreur de masse…
Morale de l’histoire : « il faut bien avouer que le hasard vint un peu au secours de la pure théorie. Le Verrier fut d’ailleurs obligé non seulement d’affronter ceux qui remirent en cause sa priorité dans la découverte de Neptune mais aussi ceux qui prétendirent que cette découverte, là où il l’avait indiquée, était fortuite ! » (J.-P. Verdet, 1993 p. 58).
En ce sens, il semble tout à fait plausible d’attribuer à Neptune un concept promulgué par Carl Gustav Jung, la synchronicité. Ce phénomène est plus récurrent qu’on ne l’imagine et il se retrouve même dans un domaine où il ne devrait pas figurer : la science exacte ! C’est ainsi que, en 1823, la géométrie non euclidienne fut découverte simultanément par un mathématicien hongrois, János Bolyai, et par un mathématicien russe, Nikolay Lobacheskiy. Ce fut d’ailleurs le père de János Bolyai qui, voulant inciter son fils à publier ses résultats, lui écrivit ces mots très poétiques : « Lorsque l’heure de certaines choses est venue, elles apparaissent en divers lieux telles des violettes perçant au début du printemps. »(3)
De même, l’attribution de Neptune à un signe Double paraît d’une logique imparable, si ce n’est parce que derrière Le Verrier, il y avait Adams…
Pour la dénomination, Yves Haumont(4) relate que la communauté scientifique octroya à Le Verrier le droit de donner son propre nom à sa découverte, baptisée « Le Verrier » en 1846, mais celui-ci refusa et choisit le nom de « Neptune ». Il paraît que Le Verrier, qui aurait bien voulu donner son nom à la planète (on le comprend !), eut un rêve à la suite duquel il opta pour Neptune… Le dieu des océans l’aurait-il poursuivi avec son trident dans le sommeil ? Ce nom se serait en fait imposé à Le Verrier par l’entremise d’un savant apparu dans son rêve : songeant à l’histoire du sage qui, après avoir rêvé d’être un papillon, se demanda si c’était lui qui venait de se réveiller ou si c’était le papillon qui commençait là son rêve, il semble que, dans ce cas, le papillon ait réussi à se glisser à travers le voile nous séparant de nos rêves ; autrement dit, à traverser le miroir. Sans demander qui d’entre Le Verrier et le personnage de son rêve était le plus savant, voilà qui s’appelle prendre ses rêves pour des réalités !
Quoi qu’il en soit, toute cette histoire est bien à l’enseigne de Neptune : nébuleuse à souhait.
Il n’en reste pas moins que, outre que Le Verrier n’est pas stricto senso le découvreur de Neptune, sa méthode de travail marqua un pas ultérieur dans la percée de la science moderne. En effet, si Uranus avait été découverte grâce à ce qui à l’époque était une nouvelle technologie, la lunette astronomique, Neptune fut trouvée grâce aux calculs mathématiques seuls, marquant par là le triomphe de la mécanique céleste. Ce n’est pas pour rien que, en astrologie, Neptune représente notamment l’inspiration mathématique supérieure, apte à déduire et à découvrir une réalité au-delà de la portée de nos sens. Neptune symbolise ainsi la perception – la prémonition – d’une réalité autre, d’une vérité invisible.
Rappelons-nous toutefois que les calculs de Le Verrier, comme ceux d’Adams d’ailleurs, étaient faux et que seul un « heureux concours de circonstances » permit de localiser la planète là où elle se trouvait. C’est dire combien, dans ce cas, le « triomphe de la mécanique céleste » est relatif…
S’agissant de mathématiques supérieures, on ne s’étonnera pas d’apprendre que Albert Einstein, le père de la théorie de la relativité (tiens donc…) était lui aussi natif du signe des Poissons. C’est d’ailleurs Einstein qui a permis de rectifier le tir par rapport à une hypothèse farfelue de Le Verrier. Avant même de s’intéresser aux perturbations du mouvement d’Uranus, sous les conseils judicieux de François Arago, Le Verrier étudia certaines anomalies dans les phases de Mercure par rapport au modèle prévu par les lois de Kepler. Il revint à ces questions après la découverte de Neptune et il postula l’existence d’une autre planète, Vulcain, plus proche encore du Soleil que Mercure. Jusqu’à sa mort, le 23 septembre 1877, de nombreux astronomes essayèrent – en vain – de profiter des éclipses pour visualiser Vulcain. Il fallut attendre l’année 1916 et la théorie de la relativité générale d’Einstein pour expliquer ces anomalies apparentes : exit Vulcain.
L’histoire vaut d’autant plus son pesant d’or qu’elle permet une transition parfaite avec l’aventure – encore plus rocambolesque que celle de Neptune – de la découverte de Pluton.
Il faut savoir en effet qu’on cite plus ou moins régulièrement l’annonce par Fomalhaut de l’existence de Pluton, plus de trente ans avant sa découverte, pour affirmer que les astrologues étaient largement en avance sur les astronomes : quel beau pied de nez à nos meilleurs détracteurs ! Or, défendre une cause avec des arguments fallacieux est le meilleur moyen de la démolir… Qu’en est-il exactement ?
Dans son ouvrage Manuel d’astrologie sphérique et judiciaire, paru en 1897, c’est-à-dire trente-trois ans avant la découverte de Pluton, Fomalhaut (pseudonyme de l’abbé Charles Nicoullaud) avait en effet annoncé l’existence d’une nouvelle planète au-delà de l’orbite de Neptune, allant jusqu’à la nommer Pluton. Or, si ce fait est bel et bien avéré, il est nécessaire de le replacer dans son contexte et de ne pas tronquer la vérité. Voilà donc ce qu’a exactement écrit Fomalhaut :
« Or, nous connaissons aujourd’hui neuf planètes y compris les luminaires, plus un anneau de petites planètes situées entre Mars et Jupiter (NdlA : les astéroïdes). On soupçonne vaguement l’existence d’une planète au-delà de Neptune et d’une autre nommée Vulcain, entre Mercure et le Soleil. (…)Les planètes télescopiques situées entre Mars et Jupiter sont les débris d’une grosse planète, Junon, détruite par une catastrophe sidérale, pouvant coïncider avec le déluge universel et l’inclinaison de l’axe de la terre qui, avant, était droit (toujours d’après notre hypothèse).
La planète au-delà de Neptune existe, elle se nomme Pluton. La réalité de Vulcain est aussi admise. (…) »
On le voit : à côté d’une « prédiction » avérée, combien de contrevérités ! Et pourquoi ceux qui citent Fomalhaut pour dire que les astrologues avaient raison avant les astronomes oublient-ils de mentionner ses élucubrations sur Junon et sur Vulcain ? Celles concernant Vulcain sont d’autant plus gênantes qu’elle surviennent vingt ans après le décès de Le Verrier, le plus ardent défenseur de l’existence de cette planète hypothétique. La raison de ces « omissions » est simple et elle est d’ailleurs directement dérivée des mauvais penchants de Neptune : il s’agit soit de citations de citations antérieures (donc forcément tronquées ou distordues), soit de mauvaise foi…
Avant d’en arriver à la découverte de Pluton, reste encore un point que les lecteurs les plus attentifs n’auront pas manqué de remarquer : la découverte de Neptune eut lieu le 23 septembre 1846, le jour même où Johann Galle reçut le courrier de Le Verrier. Or, ce dernier est décédé un 23 septembre, en 1877, c’est-à-dire 31 ans après – au jour près – la découverte de Neptune !
Cette étrange coïncidence de dates, pour les deux événements les plus marquants de son existence, a certainement une signification du point de vue psychogénéalogique, mais ce sujet déborde le propos de cet article. En revanche, il est intéressant de situer quelques transits significatifs pour ces deux dates.
Le 23 septembre 1846 :
- Pluton, à 25° du Bélier est au trigone de Saturne natal en Sagittaire : la carrière (Saturne est maître du Milieu du Ciel) subit une transformation radicale (Pluton) grâce à la découverte d’un monde lointain (Sagittaire). A noter que Pluton transite la Maison 11 natale, de la réalisation des projets.
- Neptune et Saturne sont conjoints à 25° du Verseau, à un degré d’orbe de la conjonction de Mercure natal en Verseau dans la Maison X : des travaux de longue haleine (Saturne) permettent la découverte d’une réalité non apparente (Neptune) par le sujet (Mercure, maître d’Ascendant). Conformément à la valeur mercurienne, un médiateur (Johann Galle) s’est interposé, grâce à l’envoi d’un courrier. On remarquera que la découverte de Neptune s’est produite justement au moment où la planète transitait le maître d’Ascendant… Sachant que la révolution zodiacale de Neptune est de quasiment 164 ans, on peut décidément se dire que le hasard fait bien les choses !
- Jupiter transitait l’Ascendant, à moins de deux degrés : la marque indéniable d’une nouvelle stature sociale pour le sujet.
Le 23 septembre 1877 :
- Pluton se retrouve sur le 25e degré, cette fois du Taureau, à la conjonction partile de Jupiter en Maison 12, une Maison à connotation mortifère. Il est d’ailleurs au carré à 1° d’orbe de Mercure natal, maître de l’Ascendant.
- Uranus, transitant la Maison IV, également à connotation mortifère, est à l’opposition de Mercure qui – faut-il le rappeler ? – est maître de l’Ascendant.
- Saturne, maître de la Maison 8 natale, est à la conjonction – ici aussi à un degré d’orbe – de Pluton natal.
- Quant à Jupiter, pour se limiter aux planètes lentes (et non pas lourdes comme les désignent certaines palourdes…), elle était à la conjonction – également à un degré près – de Saturne natal, maître de la Maison 8.
Concernant le thème natal d’Urbain Le Verrier, et sans entrer dans des détails personnels qui ne nous sont pas accessibles, on ne peut manquer de remarquer que, outre qu’il était natif des Poissons, le signe neptunien, Neptune était indéniablement une dominante puisque la planète est angulaire au Descendant et dans la Maison 6 (les heures de travail), dans le signe de la découverte de nouveaux horizons, le Sagittaire. Saturne est également angulaire au Descendant, soulignant aussi les longues heures d’étude nécessaires, sans oublier que Pluton – non encore découverte à l’époque – était en conjonction au Soleil, ouvrant par là les portes de la perception de l’invisible.
Venons-en maintenant à Pluton. La littérature astrologique à ce sujet présente quelques erreurs dont certaines méritent qu’on « remette les pendules à l’heure ».
Dans son Dictionnaire astrologique, une référence en la matière, Henri-J. Gouchon indique que Pluton fut découverte en 1930 par Percy Lowell. Or Lowell, qui fut bel et bien à l’origine de la découverte de Pluton, mourut le 13 novembre 1916 (sous le signe du Scorpion…), c’est-à-dire bien avant que la planète ne fut localisée. Cette fois, point de rêveries et de confusions en tout genre comme ce fut le cas avec Neptune : d’emblée, nous trouvons la symbolique de la mort associée à la dernière planète du système solaire.
Par ailleurs, Werner Hirsig, dans son Manuel d’astrologie, affirme que Pluton fut découverte le 14 mars 1930. En réalité, les clichés de Pluton furent prix entre le 23 et le 29 janvier 1930, tandis que l’astre fut identifié un mois plus tard, le 18 février.
La première erreur est due en grande partie au fait que Percival Lowell, qui ne manquait pas de moyens financiers, fonda un observatoire à Flagstaff, dans l’Arizona, qui porte son nom et d’où la nouvelle planète fut identifiée, quatorze ans après son décès comme on l’a vu. Quant à la question de la date, il y a sans doute confusion avec l’annonce officielle de la découverte, qui eut lieu le 13 mars 1930, c’est-à-dire 149 ans jour pour jour après que William Herschel détecta Uranus, le 13 mars 1781. On remarquera aussi que la découverte de Pluton s’est produite un peu moins de 84 ans après celle de Neptune, c’est-à-dire alors qu’Uranus, l’astre des nouveautés, était sur le point d’achever une révolution zodiacale.
Quant à l’histoire de la découverte de Pluton, elle ne manque pas de sel (ou de piment si l’on veut).
Pourquoi Lowell s’attela-t-il à la recherche d’une nouvelle planète ? Issu d’une famille importante de Boston, après avoir obtenu un diplôme de mathématiques à l’université de Harvard, il commence à s’intéresser à l’astronomie et il se passionne alors pour les écrits de Camille Flammarion, célèbre astronome français et l’un des plus ardents défenseurs de l’existence de canaux sur la planète Mars. Lowell s’est alors décidé à consacrer sa vie à l’étude desdits canaux, une quête aussi fumeuse que les vapeurs de Neptune qui, dans sa carte du ciel, occupe le beau milieu du signe des Poissons, en conjonction au Soleil et à Mercure, tandis que Mars, justement, n’est pas loin non plus.
Recherchant un bon site pour observer la planète rouge, il opte pour Flagstaff où, le 16 avril 1894, il fait construire son observatoire. Plusieurs transits sont remarquables ce jour-là :
- Neptune, à 11° des Gémeaux est au carré de Mercure natal, qu’il gouverne, venant sans doute signifier le caractère illusoire des recherches auxquelles est voué l’observatoire.
- C’est justement Mercure qui vient indiquer là où le bât blesse : à 29° des Poissons, il passe sur Mars natal, qui reçoit également un semi-carré de Mars transit (à 13° Verseau) et d’Uranus (à 14° Scorpion)…
- Pour sa part, Pluton, à 9° des Gémeaux, est lui aussi au carré de Mercure, mais il est aussi à la conjonction partile (c’est-à-dire sur le même degré) de Saturne, signifiant sans doute qu’il faudra du temps, mais qu’on finira bien par trouver quelque chose ! Mais ici aussi, carré à Mercure oblige, ce ne sera pas nécessairement ce à quoi l’on s’attend.
Sans doute un peu trop pris par les brumes neptuniennes, Percival Lowell était convaincu de l’existence des martiens qui luttaient vaillamment contre la sécheresse et la désertification de leur planète. C’est pourquoi les fameux canaux leur servaient à irriguer les terres et, pris au piège de ses convictions, il en dénombra jusqu’à 400…
Ses élucubrations seront d’ailleurs à l’origine de l’engouement pour les martiens et elles inspireront le roman « La Guerre des mondes » de Herbert George Wells, ainsi que la fameuse adaptation radiophonique d’Orson Welles (à ne pas confondre avec le précédent !) qui sema la panique sur la côte Est des Etats-Unis le 30 octobre 1938 : un million de personnes crut vraiment à l’invasion de la Terre par les vilains martiens !
Parallèlement à ses travaux, Lowell entreprit de rechercher une neuvième planète, au-delà de Neptune, susceptible d’expliquer les anomalies de l’orbite d’Uranus et de Neptune. Ses calculs ne lui permirent pas de la trouver et il finit par se désintéresser de l’astre, qu’il avait lui-même baptisé « X ».
Des années plus tard, un assistant engagé à l’observatoire de Lowell fut chargé de réexaminer ses travaux sur la planète X et c’est lui qui, le 18 février 1930 à 16h, identifie la nouvelle planète sur plusieurs clichés. Cet assistant s’appelait Clyde William Tombaugh, un nom à consonance terriblement plutonienne !
Ce jour-là, les transits sur le thème de Percival Lowell ne sont pas moins significatifs que les précédents :
- Pluton, à 17° du Cancer est exactement opposé à la Lune natale, signifiant sans doute que, au-delà des rêves qui bercèrent la carrière de notre natif, une autre réalité, plus tangible, avait fini par apparaître. Mais au moins ces rêves ont-ils permis d’aboutir à un résultat remarquable, même si absolument insoupçonné par Lowell lui-même ! On notera aussi que Pluton venait de passer le seuil du Fond du Ciel, premier angle qu’il franchissait depuis son départ à l’Ascendant natal, une position natale des plus significatives.
- Neptune, à 2° de la Vierge, est au trigone partile de Pluton natal : l’aboutissement d’une quête qui avait pu lui sembler désespérée !
- Uranus, à 9° du Bélier, est sextile de Saturne natal, soulignant la nouvelle percée scientifique.
- Saturne, à 8° du Capricorne, est sextile à Mercure natal : il aura fallu du temps, mais les travaux de Lowell n’étaient pas complètement vains…
- Quant à Jupiter, pour nous en tenir uniquement aux planètes lentes, à 6° des Gémeaux, proche de Saturne natal (le couronnement d’un long travail de recherche), il se situait à mi-chemin entre Jupiter et Pluton de la fondation de l’observatoire, respectivement à 2° et à 9° des Gémeaux : littéralement le succès grâce à la découverte de Pluton !
Le plus beau de toute l’histoire réside cependant dans le fait qu’à l’instar de ce qui s’était passé pour Neptune, Lowell avait commis des erreurs quant à la masse de la planète, mais, dans ce cas, celles-ci n’avaient pas été fortuitement compensées par d’autres : ce fut le hasard qui voulut que Clyde Tombaugh découvrit Pluton dans la position déduite des hypothèses de Lowell, l’orbe définie par celui-ci n’étant pas valide mais croisant celle observée en 1930 ! En réalité, Pluton n’était pas la planète X recherchée par Lowell et d’ailleurs Tombaugh poursuivit ses recherches pendant 13 ans sans jamais la trouver…
Quant à l’appellation de la nouvelle planète, plusieurs sources scientifiques (dont un petit ouvrage écrit par Isaac Asimov à ce sujet) confirment une histoire qui – si elle avait été le fait d’astrologues – nous vaudrait beaucoup de railleries. Voyons ce qu’en dit Asimov :
« Une collégienne anglaise de 11 ans, Venetia Burney, quand elle apprit la découverte de Pluton, se dit que la nouvelle planète, à la distance où elle se trouvait du Soleil, devait être très faiblement éclairée et que le nom qui lui conviendrait le mieux serait celui du dieu du monde souterrain : Pluton. »
On croit rêver ! Il semble en effet difficile d’accorder du crédit à une telle histoire et, pourtant, toutes les sources en la matière concordent. Il n’empêche qu’il fallait non seulement que Venetia Burney ait lu les journaux pour apprendre la nouvelle de la découverte, qu’elle eut connu les lois de la physique pour savoir que Pluton serait très faiblement éclairée et qu’en plus elle soit férue de mythologie pour connaître si bien les dieux de l’Olympe ! Un peu trop semble-t-il pour une jeune fille de 11 ans… A moins qu’elle n’ait plutôt pensé au fameux chien de Walt Disney, Pluto, s’écrivant de la même façon que la planète dans la langue de Shakespeare et qui a justement fait sa première apparition dans un dessin animé en 1930 ! Dans la même veine, les noms et prénoms de cette jeune fille pourraient prêter à une belle exégèse quant aux qualités de Pluton puisqu’ils font référence à Venise, ville construite sur l’eau, et au feu (to burn en anglais). Or, le Feu et l’Eau sont justement les éléments que l’on rattache généralement à Pluton ! Sans compter que cette histoire a le mérite de nous mettre sur la piste des canaux tant recherchés par Lowell : ils n’étaient pas sur Mars, mais à Venise !
Soit dit en passant, le nom Pluton, outre qu’il poursuit la tradition des appellations planétaires issues de la mythologie gréco-romaine, présente aussi l’avantage de commencer par « P » et « L », les initiales de Percival Lowell.
Par ailleurs, on peut dire que nous l’avons échappée belle puisque si Pluton a failli s’appeler Minerve ou Cronos ou même Zeus, la veuve de Lowell (dans un accès de modestie ?) demanda qu’on lui attribue son propre nom, Constance…
Pour en revenir à des questions plus sérieuses, Pluton devait encore réserver une surprise puisque, le 22 juin 1978, James W. Christy découvrit que la planète avait un satellite, qui fut dénommé Charon. Ce fait est d’autant plus intéressant que Pluton se trouvait alors à 13° de la Balance, c’est-à-dire à l’opposition exacte de Vénus natale de Percival Lowell. Il pourrait à lui seul indiquer que Lowell serait né un peu plus tard que 7h45, aux alentours de 7h53. Une si petite imprécision ne serait pas étonnante pour l’époque de sa naissance. En revanche, cela nous donnerait un Ascendant Taureau (à 2°), qui collerait très bien avec l’obstination dont Lowell fît preuve en cherchant les canaux martiens, sans compter qu’elle placerait Pluton exactement à l’Ascendant et que le Fond du Ciel recevrait alors (à 17° Cancer) la conjonction partile de cette même planète lors de sa découverte. Une piste à suivre…
Aspects Mythologiques
Neptune :
Dans la religion primitive d’où a découlé la mythologie romaine, Neptune n’était pas le dieu de la Mer car les peuples du Latium s’adonnaient à l’agriculture, contrairement aux Grecs, très versés sur le trafic maritime. Neptune était à l’origine une divinité de l’Humidité. Ultérieurement, il fut identifié avec Poséidon, la divinité grecque de la Méditerranée. Fils de Cronos et de Rhéa, il était célèbre par ses amours avec les immortelles, dont Déméter et Amphitrite, mais aussi avec des monstres comme Méduse, et il engendra surtout des créatures néfastes. Il gouvernait l’élément liquide, la mer en particulier, et aussi – ce que l’on sait sans doute moins – les tremblements de terre.
Pluton :
Le nom de Pluton dérive du mot grec ploutos, qui signifie « richesse », d’où le terme de « ploutocratie », qui signifie le gouvernement par les plus fortunés. Ce dieu était la personnification de la fécondité de la terre et le garant de l’abondance des récoltes. Fréquemment associé au dieu Ploutos, Pluton devint bientôt un des surnoms d’Hadès, le souverain des Enfers, prenant alors un caractère redoutable.
Dans la mythologie grecque, Ploutos fut privé de la vue par Zeus, afin qu’il dispensât ses biens sans égard pour les mérites propres à chacun : aux riches comme aux pauvres, aux bons et aux méchants.
Quant à Hadès, il était comme Poséidon le fils de Cronos et de Rhéa. Il gouvernait le monde inférieur. En justicier impitoyable, il portait sur la tête un casque qui le rendait invisible et il dictait à la Terre la loi de la mort. Marié à Perséphone, il commettait plus ou moins régulièrement des infidélités avec des mortelles ou avec des nymphes.
A l’Époque
La date de la découverte de Neptune coïncide avec une époque de troubles sociaux (Révolution de 1848), époque fertile en anarchie, perturbations sociales, chaos politique, prélude au monde nouveau du capitalisme occidental porté par les utopies socialistes et tous les mouvements de gauche. Cette époque coïncide aussi avec le début de la domestication et l’utilisation d’énergies de type neptunien : gaz, pétrole, vapeur (machines à vapeur, machinisme) entraînant une nouvelle réalité sociale et économique ; du capitalisme on passe à l’idéologie communiste, c’est le début du concept de lutte de classe avec le développement d’un prolétariat ouvrier. En Occident, la religion – opium du peuple – commence à perdre de son pouvoir et est remplacée par l’idéologie, nouvel opium. Avec Neptune, on a donc affaire aux grands mythes collectifs, aux « masses de base qui composent les syndicats » qui tendront à submerger les conceptions élitistes du pouvoir.
En France, 1848 est l’année de la proclamation de la IIe République, un régime qui se réclame à la fois du socialisme chrétien, du libéralisme et du romantisme, intégrant des poètes à son premier gouvernement. C’est l’époque de l’abolition de l’esclavage et de la peine de mort en matière politique ; c’est l’instauration du suffrage universel (masculin), de la liberté de presse et de réunion.
Plus globalement, l’Angleterre est au cœur de la révolution industrielle. C’est le début d’une société essentiellement urbaine en raison des progrès technologiques dans de nombreux secteurs de production. Pour témoigner de ces prouesses, le prince de Galles Albert conçoit l’idée de l’Exposition universelle, qui s’ouvre en 1851 : les visiteurs du monde entier se pressent dans le Crystal Palace, un bâtiment de plus de 70.000 m2.
L’époque de la découverte de Pluton coïncide avec une phase de « malaise dans la civilisation » (Freud), avec une période de fermentation sociale, politique, économique, idéologique, intellectuelle, artistique. Qu’on en juge :
- 1928 - 1930 : grande crise économique ; krach de Wall Street.
- 1929 : Staline, secrétaire général du parti communiste depuis le 4 avril 1922, devient le chef incontesté du Parti et le maître absolu de l’URSS après avoir obtenu le bannissement de Trotski et avoir obligé ses autres adversaires à ses soumettre et à avouer leurs « erreurs ». En 1934, il déclenche les « grandes purges », avec les déportations massives de ses ennemis idéologiques et les grands procès de Moscou (de 1936 à 1938).
- 1933 : le 30 janvier, Hitler est désigné comme chancelier. En un peu plus d’un an, il impose sa dictature en Allemagne. Montée du phénomène nazi (associé à Uranus).
- 1936 : Franco prend le pouvoir en Espagne, Guerre civile espagnole, Guernica.
- En Italie, Mussolini, au pouvoir depuis le 30 octobre 1922 et qui avait établi la dictature fasciste en décembre 1925, mène une série de « batailles » économiques spectaculaires : la bataille du blé, de 1925 à 1931, et la bataille de la bonification des terres, engagée à partir de 1928 pour l’assainissement des zones marécageuses.
- Dans les années 1930, le Japon entre dans une économie de guerre et envahit la Chine (occupation de la Mandchourie en 1931 et son annexion en 1932).
Tous ces phénomènes débouchèrent sur la Deuxième Guerre mondiale et ses millions de morts, de 1939 à 1945, les camps de concentration et d’extermination (la « solution finale » avec Uranus) et la bombe atomique…
Sur le plan artistique, la découverte de Pluton correspond avec le surréalisme, dont André Breton fut la figure emblématique. Ce terme regroupait l’ensemble des procédés de création et d’expression utilisant toutes les forces psychiques (automatisme, rêve, inconscient) libérées du contrôle de la raison et en lutte contre les valeurs reçues.
L’entrée de Pluton dans la conscience mondiale a donc correspondu à une fermentation et à une régression « infernales » et barbares. Ce fut sur un charnier immense que s’est bâtie l’ère contemporaine. ♦
Tous droits réservés Michaël MANDL
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(Article paru dans Astres n°683, mars 2005)
Notes :
1 Informations obtenues via le site de Chad Trujillo, l’un des deux découvreurs de Quaoar et de Sedna.
2 Idem.
3 HOFSTADTERN Douglas, Gödel, Escher, Bach – Les Brins d’une Guirlande Eternelle. InterEditions, Paris, 1985 (pp. 103-104).
4 HAUMONT Yves, La Langue astrologique. Collection Zénith. Lyon. 1988.
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